Laye est indéniablement un môme noir. Camara fils grandit dans l’affection et les règles anciennes de sa belle et grande famille à Kouroussa, village de la Haute-Guinée. Son tendre père, forgeron « travaille l’or au rythme de la harpe des griots et des incantations aux génies du feu et du vent » quand son aimante Daman (mère) dotée de pouvoirs savait « détourner les sortilèges et tenir à l’écart les crocodiles du fleuve Niger ».
le petit Laye croyant est successivement scolarisé, circoncit, madrassa et initié aux pratiques ancestrales. Son passage à l’école des blancs fait tâche, l’enfant noir y excelle. Ses bons résultats le propulsent sur les bancs de la capitale Conakry puis plus loin de sa forteresse en France non sans déchirement…
De tous les personnages à problème que je decouvre dans mes récents romans, Camara Laye est le plus équilibré. Le ciment de son parcours sans faute semble être l’amour inconditionnel de ses proches:
sa grand-mère le gavait de nourriture et d’affection à chacun de ses brefs passages au village maternel. Sa mère épuisée d’être séparée de son fils fait une crise à l’annonce du voyage de ce dernier pour l’étranger quand son père pleure de fierté. Idem pour ses tantes, oncles, frères, sœurs, amis et premiers amours. L’auteur baignait dans une de ces paix aux effets perceptibles aussi bien sur ses résultats scolaires que son développement personnel.
Le romancier dévoile également des secrets sur certains rites ancestraux nécessaires ou pas au développement harmonieux d’un enfant noir dans une société moderne. c’est selon. Le prototype Laye est la preuve d’un mixage réussit de deux cultures différentes.
L’oeuvre est racontée dans un style fluide à cheval entre vers et proses. Les 7 à 77 ans d’hier à aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs se retrouvent dans son vocabulaire simple avec lequel l’auteur les embarque dans une lecture digeste qui se fait d’une traite. Comprenez vous pourquoi ce livre intemporel s’est imposé comme un classique? La réponse est là.