Les petits métiers à Abidjan, il y en a de tous genres, tous types, tous risques. « coupeur d’ongles ambulant» appartient à cette dernière catégorie : tous risques.
Séance de pédicure, manucure de tous les dangers. Les nigériens figure de proue de ce métier à Abidjan ont leur fonds de commerce et source de revenus, parfois au détriment de la santé des clients.
Trois paires de ciseaux, un morceau de tissu pagne, une bouteille d’eau savonneuse et un chiffon-mousse. Tels sont les instruments de travail d’Aboulaye Moussa, coupeur d’ongles ambulant depuis 10 années. Cette activité demande dans les normes un maximum de précautions d’hygiène. En l’occurrence une sévère désinfection du matériels après chaque utilisation. Le mot d’ordre dans les institutions et salons de beauté abidjanais. Mais Aboulaye n’a que faire de ces mesures d’importance capitale, mieux, il ne sait même pas les risques auxquels sont exposés ses clients.
Le domicilié de la Riviéra Mbadon est sur pieds depuis 7 heures du matin. Ce célibataire parcourt des kilomètres à pieds à la recherche de clients. Les quartiers Riviera 2, 3, Sciad et Akouédo constituent son circuit. Sa cible est particulière, des hommes et femmes fidèles à cette pratique. le paradoxe: Tous connaissent et n’ ignorent pas l’existence du sida et des maladies transmissibles par le sang , mais font preuve d’une complicité tacite.
Les paires de ciseaux sont bien distinctes les unes des autres. Une pour couper, une pour curer et une autre pour poncer. Des gestes qui exposent à tout niveau à des lésions. Ce jour notre coupeur d’ongles ne dispose pas d’eau de javel ni d’alcool bref, aucun désinfectant excepté son eau savonneuse. Il en est néanmoins à son sixième client.
Il est 9 heures et après Akouédo, Abdoulaye se rendra au marché puis Attié-campement et Faya seront ses prochaines destinations. Interrogé ce dernier prétend disposer d’une technique pour détecter les malades « quand je vois une personne malade, à vue d’œil, je le sais et refuse de faire ses ongles ». Comment ? Aucune réponse.Une technique qu’il s’est bien gardé de nous dévoiler. Le sixième client est un aide-maçon. Il connait les conditions d’entretien douteux du matériel du coupeur mais se laisse faire. Il a en bouche un simple avertissement, « il faut faire doucement, ne me blesses pas, sinon je risque de te faire passer un mauvais quart d’heure » Que ça ! À 100 fcfa les pieds et les mains, le client semble satisfait du service et dit son attachement à ces coupeurs spéciaux « je suis un aide-maçon, mes ongles et orteils sont à rude épreuve tous les jours, ces coupeurs sont très efficaces, rapides et moins chers, donc je les préfère.» Ajoute-t-il admiratif devant ses doigts tout propre.
Avec sa recette journalière qui varie entre 3000 et 5000 fcfa, Aboulaye a un rêve, celui de retourner dans son pays le Niger et vivre décemment.
Bon article !