Les roches de Jean Rouch

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A l’occasion du centenaire de naissance de Jean Rouch, l’oeuvre du réalisateur est exposée en France. L’un de ses 180 films, « La pyramide humaine », tourné sur les bords de la lagune Ebrié était à l’affiche au Goethe Institut d’Abidjan ce 17 novembre. Je l’ai vu. Son épouse, son actrice principale, ses fans aussi. Carnet de notes.


Abidjan aussi a connu son apartheid. La fâcheuse politique dite de « développement séparé »d’avant l’indépendance. Celle des inégalités raciales aux mêmes teintes sombres que celles de chez Mandela. Époque où tout rapport entre la race dite évoluée et les primitifs s’apparentait à un crime de lèse- majesté. Moment où le petit blanc et le petit noir partageaient classe, banc et professeur sans se dire mot. Et puis, il y a eu un certain Jean Rouch, réalisateur blanc et professeur dans le film, un peu anticonformiste et amoureux de l’Afrique, qui prend un pari. Celui de briser ce mur de glace en « incubant » 10 filles et garçons africains et européens dans une même salle de classe. Ces derniers apprennent à se connaître, échangent, partagent joies, peine et rapports normaux le temps d’une année scolaire.
Objectif : inventer des rapports entre des individus dits différents. Et surprise ! À la fin de ces 90 minutes, le mot racisme n’avait plus de sens.
Il aurait eu 100 ans aujourd’hui, l’auteur de cette fiction. Son exploit, lui, en a 58. Mais « La pyramide humaine » n’a pris
aucune ride. Bien au contraire, elle emballe avec sa touche vintage finalement moderne dans cet Abidjan jeune et naissant qui n’existe plus. Et ce, en dépit des mises en garde au début et au cours du film de Jean. La retranscription est parfaite. Les images impeccables. Les plans tantôt extraordinairement nets ou pas, asynchrones parfois… Et l’émotion, c’est selon. Bonne pour certains, intense pour l’actrice principale Nadine, 76 ans, visiblement encore sous le charme des prouesses du travail de celui qu’elle baptise bricoleur de génies. Car avec ROUCH sur la pyramide humaine, l’improvisation a régné en maîtresse pour rendre l’oeuvre authentique.

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