Notre pays, la Côte d’Ivoire regorge d’endroits incroyables. Des lieux à la forme, à l’apparence et aux couleurs tellement surprenantes, qu’on les croirait irréels. Yaosséï, grotte énigmatique, chargée d’histoires de Béoué, village situé à 43 kilomètres de Guiglo, ville de l’ouest montagneux en est un exemple parfait.
Ce n’est pas un hasard, c’est une œuvre d’art à l’état brut, saisissante au point de me faire écraser une larme. La découverte est inédite … Enfin pour moi.
Non, ce site n’est nullement celui du quartier populaire de Yopougon dans le nord d’Abidjan. Oui, les patronymes sont les mêmes et ce n’est toujours pas un hasard. Le fondateur du bar Yaosséï (1980), d’où le quartier précaire de la plus grande commune de la Côte d’Ivoire aurait hérité du nom par la suite est Lagou Benoit. Cet abidjanais, aujourd’hui résident en France est d’origine Wè (groupe ethnique de l’ouest ivoirien) et précisément fils du village hôte. Il est celui qui a bien voulu exporter le nom du site de son village à Abidjan. Yaosséï, la maison mère, ce joyau architectural, est un trésor archéologique.
Doublement béni et sacré, Yaosséï est un endroit à la fois adoré par des rites des villageois et visité par des chrétiens catholiques comme lieu de pèlerinage. Découverte de l’un des endroits les plus beaux que j’ai eu l’immense honneur de découvrir ce 17 avril 2016.
Faites y un tour et vous saurez le sentiment qui habitait Christophe Colomb lorsque cet explorateur posait les yeux, pour la première fois sur le continent Américain ou ceux des premiers astronautes à la découverte des premières planètes : surprise, fascination, joie incommensurable, curiosité…
C’est sûr : « Les diamants, les plus rares et les beaux se retrouvent dans les endroits les plus improbables de la terre », l’adage s’est vérifié pour Yaosséï. Ce site naturel est une majestueuse grotte perdue dans un village fortement touché par le conflit armé inter-ivoirien de 2011.
Désacralisée par les violations des interdits nées des stigmates laissés par les différents conflits dans la région, l’entrée ne laisse rien transparaître du trésor. Elle parait étroite et assez malmenée par la broussaille prenante. Mais la fente dans la pierre, la couleur et la disposition des granites attisent la curiosité.
Une fois à l’intérieur, c’est presque le jardin d’éden tel que conté dans les livres. Le spectacle est à couper le souffle. Trois gigantesques pierres de plusieurs dizaines de mètres se rencontrent dans le « ciel » pour former un triangle sans sommet que les habitants appellent ‘’foyer’’, ces trépieds sur lesquels la majorité des femmes rurales posent les marmites destinées à concocter les plats.
Et comme pour inviter le visiteur à mieux admirer ces tours de pierres, des plus petites, dans une sorte de préau vous incitent à prendre place. Et quel spectacle, c’est magique ! Le toit des tours à l’origine fermé est désormais ouvert par la force des violations des règles de ce lieu sacré selon les anciens. Pas grave ! Cet incident laisse entrer le degré de luminosité nécessaire à la transformation de l’endroit en studio photo professionnels grandeur nature (Je m’en veux de n’être pas venue avec Charly Kodjo, il aurait fait de merveilleux clichés sans aucun effort, sans aucun filtre.) A la douce température des lieux, se mêle le spectacle des lianes, arbres et autres oiseaux d’un rare plumage.
Vous ne vous êtes pas encore remis de vos émotions qu’un autre assemblage de pierre attire votre attention. L’éclat et la blancheur qui se dégagent de là procure une telle clarté qu’on pourrait y vivre sans électricité et ne pas en ressentir l’absence. L’autre fait troublant : cette autre entrée fait tout de suite penser à une grotte dédiée à la Vierge Marie comme en trouve sur les paroisses catholiques. La différence est qu’ici tout a été fait aux bons soins de dame nature et la statue de Marie qui y repose vient compléter le décor spirituel. Une sorte de moule ou la mère du petit Jésus aurait été immortalisée. Pour la petite histoire, une fille du village, Bagoué Noon, religieuse, intriguée comme moi par ce détail « virginal », aurait décidé d’ériger ce site en commun accord avec des hommes de Dieu de la région en un lieu de pèlerinage pour chrétiens catholiques.
La rivière Banouin, eau sacrée et protectrice du village, tire sa source d’une pierre voisine de ce lieu « marial ». Bénite par les prêtres, désormais, Banouin est une source non tarissable qui sert à plus d’un pour des guérisons et autres chasses aux mauvais esprits. Au dernier réveillon de Noël, l’endroit aurait refusé du monde selon les villageois.
Outre ces différents puzzles architecturaux de pierres, ce repère est un havre de paix. L’air y est pur, vous le ressentez par ce cocktail d’odeur de feuillage vierge et d’eau douce. Le paysage, lui, est simplement magnifique. Des étudiants et écoliers du village viennent y faire leurs révisions. Les populations en quête de tranquillité ne le quittent plus. Et les touristes en redemandent, encore et encore…
Permettez moi la répétition, je n’ai pu m’empêcher d’écraser une larme devant une telle beauté.
Cours d’histoire
Selon l’un des doyens du village, Yaosseï est un mot Wè. Il est composé de deux noms : Yaou qui désigne les personnes qui ne mangent pas de poisson et Sei qui lui, signifie pierres. A la prononciation c’est Yaosséi : la grotte ou les pierres de ceux qui ne consomment pas de poisson.
Découverte en 1925 par leurs ancêtres chasseurs pourchassés depuis le fleuve SIO pendant les guerres tribales, c’est à la grotte Yaosséi que ces derniers trouvent refuge et cachette. Selon la légende, en ce lieu, les pourchassés devenaient invisibles et l’ennemi retournait bredouille après une fouille stérile. C’est donc en reconnaissance que le peuple décide de s’installer sur cette terre protectrice et jure de ne pas consommer les poissons provenant de l’eau de cette grotte. Les poissons, des silures précisément, sont considérés comme des frères et c’est connu de tous, un frère est sacré, respecté et aimé ! D’ailleurs chaque fin d’années les villageois y pratiquent des sacrifices pour adorer et remercier Yaosséi pour sa mission protectrice.
L’ancien raconte que durant la récente guerre de 2011, Yaosséi a récidivé. Les populations qui y sont restées cachées pendant 19 jours, ont eu la vie sauve pendant les tueries. Ce n’est que par faute de nourriture qu’elles ont regagné la brousse. Les effets personnels stockés y sont retrouvés intacts.
Yaosséï a cependant un interdit : la couleur rouge. Malheureusement, la consigne est violée par les visiteurs et certains allogènes récalcitrants. Conséquence : le village devient de plus en plus vulnérable à certaines attaques aussi bien mystiques que physiques. Les attaques de 2011 constituent l’une des preuves selon les anciens. Béoué reste en effet, l’un des villages de Guiglo les plus touchés, le bilan y a été lourd : une cinquantaine de morts et disparus selon les autorités et plusieurs maisons incendiées. Aussi Le couvercle des 3 pierres formant le foyer aurait disparu de façon miraculeuse…autant d’infractions commises qui n’altèrent en rien la splendeur de ce joyau qui j’en suis persuadée cache d’autre trésor. L’endroit a sa place au patrimoine mondial de l’Unesco.
La pyramide de Khéops et toutes les autres merveilles, je ne les connais qu’en images, mais j’ai vu la grotte de Yaosséï, et oui, je peux le dire sans sourciller qu’elle pourrait faire grimper le nombre des merveilles du monde.