A l’origine, c’est un canal d’évacuation d’eaux usées de fortune. Rien à voir avec le cliquant, couteux, moderne pont Henri Konan Bédié. Celui d’Adjamé 220 logements est recouvert de vulgaires morceaux de bétons aidés de quelques chevrons et planches mais il se trouve être un bénéfique raccourci pour déjouer les interminables bouchons de cette zone carrefour. Caché sous l’échangeur de la commune marché à l’entame du boulevard lagunaire et à deux pâtés de « en bas du pont », un repère bien connu de tous les Abidjanais, le quatrième « pont » génère malgré son aspect précaire du revenu et non des moindres. Les baptisseurs-gérants sont les gnambros. Ces gros bras chargeurs, tantôt syndicalistes tantôt hors- la- loi qui ont recours très souvent à la violence comme moyen de pression sur les usagers règnent d’une main de fer dans cette zone qui brassent des millions de véhicules le jour.
On va l’appeler Zorro. Pas plus que les autres il ne tient à ce qu’on le reconnaisse. Dénoncer les pratiques peu catholiques des gnambros reste un énorme risque qu’il encourt aussi bien pour son boulot que sa vie. La ligne Adjamé-Treichville, notre homme la pratique depuis 2006 et dit connaitre la correction infligée aux bavards. Il est 10 heures, le véhicules de 18 places de Zorro est plein et s’apprête à sortir du cinéma liberté, un lieu difficilement praticable à cause du nombre incalculable de véhicules qui plongés dans le désordre et l’incivisme cherchent comme de beaux diables le passage. La voix normale qui jouxte la CIE est obstruée, va pour le caniveau-péage. Au bout de cette piste rouge, non bitumée et caillouteuse, les immanquables racketteurs. Ils sont debout, en poste depuis 6 heures du matin et sont armés d’une sorte de bloque roues à dents (des clous en fait). Leur arme pour immobiliser tous véhicules aux chauffeurs récalcitrants. Le 18 places passe par la case vérification et repart 1 min plus tard. A ce qui ressemble à leur guichet, l’un d’entre eux a vérifié l’insigne laissé sur le véhicule lors du premier passage. La marque d’une craie ou du charbon atteste de votre solvabilité. Pour 100 fcfa, notre chauffeur abonné a son droit de passage pour 24 heures sans être inquiété. Pour les autres taxis compteurs et véhicules personnels qui s’aventurent c’est 50 fcfa par passage ou la bagarre assurée. Combien a-t-il remis à ces jeunes gens ? « Beaucoup, je travaille ici depuis 10 ans, tous les jours sans exception. En raison de 100 fcfa le jour, ça fait beaucoup » ce dont il est sûr c’est qu’il est perdant. Mais y revient chaque fois dans l’espoir de gagner en temps. « Pour ne pas avoir affaire ces gars je paye ce qu’ils demandent et je passe sans problème, je gagne en temps, cela ne m’arrange pas mais je n’ai pas le choix » souligne-t-il.
Recette
Des clients réguliers comme Zorro, les gnambros en ont des milliers. « Rien que sur la ligne Adjamé-Treichville, nous sommes plus de 200 chauffeurs abonnés au caniveau-péage ». A cela s’ajoute les nombreux gbakas, badjans et véhicules personnels dont le passage est fixé à 50 fcfa. Et pour fuir l’embouteillage, la demande est de plus en plus forte.
L’organisation
Selon zorro, ces petits gnambros travaillent en toute quiétude parce qu’ils sont surveillés et suivis par les anciens. Ces derniers passent récupérer la recette du jour en fin de soirée après avoir reversé le du qui varie entre 3000 et 5000 fcfa.
le silence de l’autorité
Dans ses souvenirs, la seule altercation avec les hommes de la loi remonte à la fin de l’année 2015. Des agents de la police judiciaire ont fait une descente musclée après avoir remarqué leur jeu . Mais dès le lendemain les gnambros reprenaient leur activité de plus belle. Rien n’est fait en dépit de la proximité du commissariat de 7ème arrondissement de police.
le bonus
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