Ode à Béoué

photo (2)Avec un  bilan qui fait état d’une cinquantaine de morts et de plusieurs blessés et disparus, Béoué, l’un des 7 villages du canton Zrapaon situé à 43  km de Guiglo, reste l’une des zones les plus touchées par la crise post-électorale ivoirienne.   Béoué et ses fils affrontent l’un des impacts négatifs de cette crise à savoir celui du litige foncier avec maestria, grâce à un système de règlement de conflit foncier assez particulier. Reportage

photoA l’entrée de ce  village fortement sinistré pendant la crise ivoirienne post-électorale de 2011, la rivière Banouin  emporte vers le Cavally, les larmes, les blessures et les prières des populations.  Depuis l’estrade de ce lieu sacré, Amédé Glazai, le chargé de communication du chef de village, fait un don  aux silures, poissons sacrés. Tout en implorant le pardon de ses « frères protecteurs », le jeune homme diplômé de droit au chômage, fait des prières et formule ses vœux. La légende raconte qu’après le pacte scellé entre la grotte le Yaosséi (source de la rivière) et les fils du village, les silures constituent un totem pour les fils de la cité. Toute personne qui violerait ce pacte  connaîtra la  peine capitale, la mort.  Entouré de lieux historiques Yaosséi d’un côté et Banouin de l’autre, le jeune homme frêle va sur ses 40 ans sans charme et l’air résigné.   Après plusieurs échecs à l’examen d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration (Ena), le poste offert par la chefferie est une opportunité pour l’éloigner de l’oisiveté et l’angoisse liées à l’occupation anarchique et la perte de leurs  terres.

Comme lui, ils sont nombreux, ces jeunes de Béoué  sans emploi et fils de cultivateurs désormais sans terre reconvertis en propriétaires de petit commerce pour certains et flâneurs pour la plus part. «  A notre retour de la broussaille (29jours), notre refuge au lendemain de la crise, nous avons fait le constat amer, de la destruction puis de  l’occupation de nos terres (campements) et habitations par les rebelles…  affaiblis et sans aucun moyen de défense, les autorités compétentes locales ainsi que l’Onuci sont contactées pour les restitutions et dédommagements  mais rien n’est fait depuis 5ans». Relate le président des jeunes Désiré Guéa qui reconnait et salue néanmoins les efforts de certaines ONG, comme le Conseil Norvégien des Réfugiés. Cet organisme  a quant à lui procédé à la réhabilitation de certaines maisons parties en feu pendant la guerre.

.Autres inquiétudes grandissantes dans la région, l’insécurité et la psychose qui s’est installée chez ces populations. Après la crise, la minorité « chanceuse » ayant encore leur parcelle de terre disent être apeurés de retourner sur leurs héritages. Les braqueurs et coupeurs de route sont légions. « Toutes les armes n’ont pas été déposées. Nous vivons dans la peur et dans l’insécurité la plus totale. Pas un jour ne s’écoule sans qu’un cas de braquage ou de coupeur de route ne s’enregistre dans la région. Dans le mois d’avril dernier, l’un des villages voisins a essuyé les tirs de ces derniers ». Relève Gilbert Gouyan, chef de village intérimaire de Béoué.  Le bilan des pertes en vies humaines et matériel en main, ce militaire à la retraite à vue aux premières heures de la crise, le 31 mars 2011 à 10heures, il s’en souvient comme d’hier, sa demeure partir en feu avec à l’intérieur,  belle-mère et  marâtre restées prisonnières des bourreaux. La population est apeurée et obligée de cultiver non loin du village des cultures de premières nécessités

Le dimanche à Béoué, c’est le jour de procès

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Dimanche, 17 avril 1016, 9 heures 30mn. En face des ruines de la demeure  du chef de village titulaire Pierre Gbao, atteint d’arthrose, se dresse le « palais de Justice » du village. Sous ce hangar, ils sont plus d’une vingtaine, Burkinabè d’un côté, Wè de l’autre, chef, notables et conseillers, membre du bureau dont des allogènes au centre. 4 procès sur le tableau de bord dont la majorité tourne autour des conflits fonciers. La première affaire oppose deux autochtones dont les locataires-ouvriers, des burkinabés auraient violés de part et d’autre les limites de parcelle de champ. Après les différents plaidoyers, la notabilité se retire pour la délibération 15 minutes plus tard. Mais avant,  les machettes sont retirées aux travailleurs, les esprits calmés .Enfin de compte la commission  décide d’un commun accord de se rendre sur les lieux avant le verdict final.

La commission des litiges fonciers mise en place par le  sous-préfet avant  la crise  fonctionne et trouve satisfactions auprès des plaignants par  des arrangements à l’amiable. Nul ne ressort de là lésé aussi bien les autochtones que les allogènes.

Ce  conseil comprend les membres du bureau mixte du village (allogènes et autochtones) et a plein pouvoir de régler les litiges de types fonciers dans la zone. Le comité comprend plusieurs cantons et dispose d’un délai de 15 jours à un mois pour boucler une affaire. C’est ainsi depuis plusieurs années.

Un système bien à eux qui facilitent la cohabitation entre cette mosaïque de cultures différentes.

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