La dernière tentative de Valérie

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 Il aura fallu du temps. 9 ans après le déversement  des  500 tonnes de déchets toxiques à Abidjan et banlieues, les victimes latentes se signalent. CoulValerie  est la figure emblématique de cette catastrophe écologique et sanitaire survenue en 2006. Atteinte d’un cancer « hautement mortel », le pronostic de ses médecins est sans appel : plus que 3 mois à vivre si rien n’est fait.  Son histoire : la chronique d’une condamnée, ses exigences avec elles l’espoir de milliers  d’autres victimes  non dédommagées sur cette affaire de probo Kaoala baptisée navire de la mort.

« Je tiens à faire une déclaration, ce soir, à tous mes followers pour qu’ils comprennent le jour où je ne tweeterais plus, c’est que je serai partie dans l’au-delà… » Le message déchirant de la web activiste  franco-ivoirienne a touché, ému puis interpellé la toile au soir du dimanche 8 novembre dernier.  Des messages de soutien affluaient de partout. Un réconfort moral mais également des actes forts. Entre autre la communauté web ivoirienne qui a tenu à relayé le plus possible le message et  la promesse du PAN Soro Guillaume : «Le président de l’Assemblée nationale  a pris mon cas en urgence et va s’occuper de moi pour essayer de me sauver»  tweete pleine d’espoir Valérie 3 jours suivant son SOS

La fatidique nuit du 18 au 19 août 2006

Le cerveau ivoirien, la jeune cadre retournée au pays(Côte d’Ivoire) pour apporter sa pierre à l’édifice, la trentaine bien entamée, à l’époque est contaminée comme beaucoup d’ivoiriens par les déchets toxiques. «Dans la première quinzaine d’Aout 2006, une nuit, une émanation d’un gaz ou d’un produit toxique, parvenait à rentrer par toutes les issues de la maison … J’ai ouvert ma porte ensuite toutes les portes intérieures pour faire un courant d’air … mais rien n’y fit !!! Impossible de dormir car nous étouffions nous obligeant de respirer par la bouche ! Ce fut horrible…  Dans cette maison, nous n’avons pas respiré pendant un mois »  nous révèle cette ex habitante du quartier Biétry Zone, un des sites de déversement des déchets.

« Je n’ai pas été tout de suite malade, juste des malaises »

Ce n’est que 5 années plus tard, précisément en 2011 que les malaises se muent en  symptômes  importants, d’abord les poumons : « Le premier signe significatif pour moi a été la pleurésie bilatérale (inflammation des poumons) en décembre 2011, j’étais venu pour les fêtes de fin d’années à Abidjan car mon mari y était encore … Je suis venu avec mon fils. Le 31 décembre 2011, mon mari nous emmène manger et vers 21h30, je demande à rentrer prématurément, en fait mon mari a pris cela pour un caprice, mais je commençais à me sentir mal … Ils nous ramènent et repart. Je dis à mes parents que je vais coucher mon fils alors petit, et après avoir monté les escaliers qui me mènent à la chambre ! Je couche péniblement mon enfant   et je m’allonge à côté de lui avec des douleurs thoraciques intenses ! Je n’étais pas bien debout, je pensais que coucher cela irait mieux mais force de constater que coucher c’était pire je ne pouvais plus respirer du tout … mon fils dormait et je me voyais partir seule là-haut !!!... »

Puis 3 années plus tard, après des tours répétitifs dans les hôpitaux français, des tests plus poussés attestent  du mauvais état de l’appareil digestif. « Un gastro-entérologue me l’a appris en septembre 2014 après une biopsie de suspicion ! Il m’a avoué qu’il savait à l’avance que j’étais malade mais la biopsie devait le confirmer. »

Dans la même période, le cancer. Une tumeur maligne qui ne tarde pas à étendre sa métastase : le cœur est atteint «des lésions se sont développées ailleurs que le cancer primaire donc d’autres organes sont touchés et lorsque les médecins sont avec moi, je peux ressentir leur gêne

Après une lourde opération subie en octobre 2014 (une spléno-pancréatectomie gauche)  et une douloureuse chimiothérapie, les médecins établissent le verdict final « ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient je pense! J’ai développé un cancer hautement mortel, que l’on ne sait pas encore soigné. Au jour d’aujourd’hui, les douleurs sont tellement fortes que je ne peux plus vivre normalement sans des doses d’antalgiques très fortes ». Livre l’épouse et la mère du  garçonnet de 8ans.

Sa  brève course contre la mort, Valérie la souhaite noble et la dédie à ce dernier ainsi qu’aux autres victimes restées aux pays sans soins, prise en charge ou dédommagement

« C’est mon fils qui me fait mal aujourd’hui et c’est pour lui que je voulais mon indemnisation car moi, je ne pourrais pas en profiter mais si sa mère doit partir prématurément la moindre des choses, le minimum pour le petit est de le à l’abri financièrement

Ses « dernières  » volontés

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Valérie en 2006 avant le drame

« Si aujourd’hui j’accepte de le révéler, c’est pour donner espoir à mes compatriotes restés au Pays et leur dire qu’ une mobilisation est en cour pour étudier le cas de chaque victime et demander à l’Etat de prendre ses responsabilités ». Pour la jeune dame affaiblie (elle a perdu environ  30kG) seul le Président de la République peut lui venir en aide en lui octroyant  un bon chirurgien pour que « son cœur tienne encore  » et une audience.

Après l’intervention du pan elle se dit plus confiante : «J’ai une entière confiance en Guillaume Soro. Il a déjà prouvé qu’il était un homme de mission, un homme sensible aux problèmes des autres, un homme qui reste disponible pour les causes justes donc aujourd’hui je suis sereine. Il sait q je dois être hospitalisée et il a déjà dépêché des gens pour prendre de mes nouvelles !»

 Mais craint toujours car s’il  n’y a pas d’action concrète ce que l’on sait  c’est qu’elle en mourra.

Pour l’heure, Valérie est dans l’attente d’une hospitalisation.

Une fois  son audience d’avec  le président Ouattara accordée, Valérie compte tout dévoiler. Son objectif : informer le chef de l’Etat  « des dérives sur le malheur de cette tragédie » selon elle la « filière de l’indemnisation et le service chargé de s’en occuper sont gangrènes par des escrocs qui en profitent »

Les autres victimes

Depuis août 2006, la présence de déchets toxiques en côte d’ivoire a favorisé la création de plusieurs  ONG et associations en gestion de la crise humanitaire. Probo Koala  avait  causé la mort  de plusieurs personnes aux premières heures du déversement. Les sources officielles avancent 17 morts et des dizaines de milliers de personnes intoxiquées dont 43492 cas d’empoisonnement confirmés par l’institut d’hygiène. La présence de ces déchets  durant toutes ces années  sur le sol ivoirien continue de faire des victimes.

Certaines d’entre elles exhortent le gouvernement à l’initiative d’une consultation générale. Ce, aux fins d’une prise en charge sanitaire de toutes celles qui présenteront encore de séquelles

« On peut craindre une recrudescence des cancers»

[… compte tenu de la nature agressive des éléments contenus dans  ces déchets,  on peut craindre une fréquence cancers…]  annonce Pascal Bogui.  Le professeur de physiologie et d’exploration fonctionnelle à l’Ufr des sciences médicales de l’université de Cocody est sur une enquête depuis 2007.  Sa solution: » prévenir en mettant  en place un institut pour traiter les maladies qui sont susceptibles de survenir, à la suite de cette exposition. Notamment, un centre de traitement des cancers ».

Quant aux autres victimes latentes, les porteurs du germe de la mort, elles patientent encore et espèrent comme Valérie un dédommagement.

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