Cocody danga bas-fond, vie de "déguerpis"

Vendredi 20 mars 2015, le quartier de Cocody Danga bas-fond tombe sous les poids des bulldozers.  Un coup de massue pour les populations de ce bidonville qui crient injustice.  Les autorités, elles, parlent d’exécution de décision ministérielle adoptée  mi 2014. Elle s’intitule : prévention des accidents dans les zones dangereuses. Retour sur deux jours de démolitions et d’émotions.

Samedi 21 mars, 13 heures. La célèbre rue lepic est en pleine ébullition. Le parking du siège du RDR, parti politique ivoirien, refuse des voitures. Le grand congrès, en prélude à la présidentielle 2015 s’y déroule. Et les participants sont de plus en plus nombreux. À quelques pâtés de ce lieu débordé de bolides de toutes marques, se dresse le bidonville Danga bas-fond, lui aussi en grand mouvement. Mais pour une raison moins gaie que celle des hommes politiques ; un déménagement tout aussi forcé que rapide. La nouvelle est tombée vendredi la veille et la « deadline » avant la destruction totale est pour le lendemain dimanche. Ferme instruction des hommes en armes selon les populations désemparées devant leur quartier rasé de moitié. Sur les visages, se lisent désespoirs et angoisses. Sur les têtes, les valises et matelas ,des nécessaires pour une hypothétique autre vie.

Vincent , ses voisins et leur situation

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Vincent Poda et sa famille

Vincent Poda est cuisinier à temps partiel, et également vendeur de poisson fumé et de rognon de bœuf à ses heures perdues. Il dit ne disposer d’aucune économie pour offrir un nouveau toit à sa famille. «  Je suis venu du Burkina Faso  m’installé ici depuis 1997, j’habite ce quartier qui a vu naître mes deux enfants. Je n’ai pas de connaissance prête à accueillir ma famille. Et après un petit tour sur le terrain (dans un autre quartier précaire), les propriétaires de maison avancent  300 000/ 400 000 FCFA pour la caution d’un studio.  Une somme que je n’ai pas. » Son métier de cuisinier Vincent l’exerce de façon périodique. Son patron, un expatrié  part une fois par trimestre en France. «  Le peu d’argent dont je dispose couvre à peine les charges familiales » ajoute-t-il les yeux en  larmes.  Son épouse, elle, est plus préoccupée par la situation de ces deux garçons, élèves de ce quartier. « Mon premier fréquente le lycée moderne de Cocody. Le second est à l’école primaire publique de ce quartier. Les deux gamins vont à l’école à pieds. En plein deuxième trimestre, ils nous demandent de partir. Où irions-nous avec nos enfants ? Quelle école vont-ils fréquenter ? Et le transport ?  » s’interroge à haute voix la femme. Autour d’eux, des maisons décoiffées. Leurs voisins sont déjà partis. Le fournisseur d’eau et d’électricité aussi. Dans la foulée, des numéros sont échangés, des aurevoirs et adieux. Certains préfèrent retourner dans leurs pays d’origine car la population ici est issue dans sa majorité des pays de la CEDEAO.

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« Injustice »

Pour les populations, cette décision est injuste. Elles estiment que les termes des dernières négociations avec les autorités de la maire de la commune  entamées des mois auparavant n’ont pas été respectées. «  Lors de notre dernière réunion avec les hommes de la mairie, il était convenu que nous partions d’ici pendant les vacances scolaires et aujourd’hui en plein milieu d’année on nous demande de partir  » témoigne, un voisin de Poda, ses affaires en mains.

Ce que dit l’autorité

Face à toutes ces informations, des hommes et un gouvernement prêts à aller au terme de leur  programme de destruction des quartiers dit à risques. Hier Yopougon Gesco et Cocody Gobelet, aujourd’hui Danga bas- fonds. Demain Cocody corniche CNTIG, 2 plateaux  route du zoo…De plus les populations ont été avertie. Le directeur de l’office national de la protection civile, le général Killi, joint par la BBC explique qu’il y a eu un recensement des populations en 2011 et 2012. Des kits de relogements avaient déjà été distribués à l’époque. « Les responsables des 11 sous quartiers de la zone ont été prévenus depuis des mois ».

Ces quartiers  sont pour la plus part des zones à risques comme celui dans lequel nous sommes. Comme son nom l’indique, le bidonville encore appelé « le trou » est un énorme bas- fond. En plein milieu se trouve une grande canalisation qui draine des hectolitres d’eau en saison sèche.  Des morts d’hommes sont constatées en saison pluvieuse. L’an dernier, c’est  une famille de 3 personnes qui  a été décimée.  SAMSUNG CAMERA PICTURES

Dans ces allers et venues, des affaires se négocient. Des nigériens « haoussas » venus d’Adjamé se bousculent pour acheter à prix dérisoire, les quelques feuilles de tôle des maisons. La somme gagnée sera affrétée au transport vers une nouvelle vie.

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