les "manawas", bâtisseurs au noir de nos cités

À côté des ouvriers qualifiés, outillés et professionnels du domaine de la construction subsistent les « manawas ». Ces maçons, aides maçons casseurs de seconde main. Des manœuvres qui ont tous appris à mouiller le ciment, casser et couler le béton, monter les murs, construire des bâtisses sur le tas. À  expertise acquise de façon non conventionnelle, traitement et rémunération spéciaux. C’est la loi sur les chantiers abidjanais. Fort sollicités, exploités, non ou mal équipés, grugés parfois, ces jeunes ouvriers ne peuvent que compter sur la force de leur jeunesse pour construire. Akouedo, Cité Sir, Cité Beceao, Bingerville. Ces sous quartiers de Cocody en pleine expansion abritent un grand nombre de manawas. Severin Goué, l’un d’entre eux, la vingtaine bien entamée nous conduit dans l’univers des manawas ce samedi 23 janvier 2015

Akouedo extension, 6 heures du matin. Notre aide maçon du jour est déjà sur pieds. Il connaît l’heure et le mode de recrutement : 7 heures et le bouche à oreilles. Après deux chantiers distants de 5 kilomètres l’un de l’autre, c’est le bonheur. « Ici, je connais le patron. Il paye bien et vite et puis ça tombe bien ils ont du boulot pour moi et 2000 fcfa par jour c’est parfait » révèle un Séverin rassuré. Le jeune homme est précoce, un peu trop d’ailleurs. Sa carrure en muscle lui donnerait facilement 35 ans. Le bâtiment est un R+3 en voie d’achèvement. Plus que les chaînages à rembourrer. Pour cette tâche prévue pour 7 personnes, ils sont 4. Amany, Alain, Amidou et lui disposent de 48 heures pour en venir à bout de ce labyrinthe à béton. Sandales aux pieds. Pantalon T-shirt simplistes ces jeunes transportent le matériel. Cassent à main nue le béton, mouillent et remuent sable et ciment jusqu’à e que ces deux matériaux ne fassent qu’un. Pour enfin remplirent les fameuses chaînages.SAMSUNG

Sur ce lieu, l’odeur du ciment est fraîche et forte. Les briques exposées attendent le soleil pour sécher. Des clous, planches, tuyaux orange traînent un peu partout. Bientôt 10 heures et la canicule est âpre. Sans gants ni bottes et casques… enfin le minimum d’équipement, les coups de pèles se succèdent. En cas d’accident, s’accrocher à l’humeur du patron révèlent les travailleurs. «  L’un de mes collègues a reçu une brique en pleine tête ici sur ce chantier. Par chance, le patron a couvert tous les frais pour ses soins. Ce qui n’a pas été le cas d’Arsène un autre collègue. Il a eu une jambe cassée après une chute. L’autre patron a feint de ne pas le connaître. Nous étions obligés de cotiser pour ces premiers soins. Pour le reste il s’est débrouillé » témoigne Séverin. Dopés aux haricots et garba (attiéké et poisson salé), des mets en vogue et réputés solides sur ces sites de construction, Les manawas enchaînent 10 heures de travail avec un » break » de 30 minutes les midis. Temps de travail parfois confronté à certains patrons véreux. « Un de mes patrons a une fois pris la poudre d’escampette avec notre paie d’une semaine de boulot. Où le retrouver ? A qui se plaindre ? Nous étions obligés d’abandonner. Comment on va faire ? » Se remémore notre jeune homme les larmes aux yeux, doigts et orteils rongés par le ciment.

17 heures, fin de journée pour nos travailleurs. Les mains pleines d’ampoules mais déjà le moral haut pour s’attaquer le lendemain au reste du boulot.

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Séverin Goué après une dure de travail regagne sa maison

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About the Author: Ritadro

2 Comments to “les "manawas", bâtisseurs au noir de nos cités”

  1. Il n’y a pas de sot métier nous dit-on. J’apprécie quand la jeunesse Ivoirienne prend son avenir en main par le travail.

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